De par les légendes qui circulaient sur les grottes de la région, la Grotte du Glacier était connue depuis des générations par les habitants de la contrée. Les premières traces d'exploration ont été laissées au début du 19ème siècle par des chercheurs d'or; en 1808, le Doyen Bridel, pasteur à Montreux, y avait trouvé des outils leur appartenant et en août de cette année là, il écrivait : " Ces dernières ont été de tous temps fréquentées par les chercheurs de métaux qui s'y rendent de loin et en grand secret. Ils y ont laissé des échelles actuellement pourries de vétusté. Des hommes de bon sens, qui ont pénétré avec des lumières, m'ont dit y avoir marché pendant une heure et être parvenus, selon leur estime, très avant sous la montagne de Naye ". |
Dès 1892, M. Constant Dutoit, professeur à Montreux, entreprend des recherches depuis l'entrée inférieure; à l'époque, l'amont de la Salle du Glacier était obstruée et présentant une suite, il décide alors de désobstruer le sommet du glacier avec l'aide d'un compagnon (M.Chessex de Montreux) et surtout l'aide de quelques cartouches de dynamite; les deux hommes vont réussir leur pari et remonter dans la grotte en passant par le Trou à l'Aigle. En 1897, le professeur Dutoit revient de nouveau dans la grotte, mais cette fois pour accompager un personnage bien connu des spéléologues : E-A. Martel. Ce dernier publiera une coupe schématique de la Grotte du Glacier dans son "Nouveau traité des Eaux souterraines" (p.424), puis en 1899, y consacrera un article dans la revue Spelunca (Paris). En 1895, G. Pfeiffer, accompagné de V.L. Blanc de Brent, effectue une visite de la grotte, puis narre ensuite ses aventures dans le style employé à cette époque "d'âge d'or" de l'alpinisme. En voici un extrait : " On déroule la corde, on s'attache, et avant le piolet ! M. Blanc est superbe à voir; pendant trois-quarts d'heure il s'en donne à coeur joie, la glace vole en éclats sous ses coups redoublés, elle nous aveugle et éteint nos bougies. La pente s'accentue, s'accentue, elle atteint 75%. Je me retourne : le coup d'oeil sur mes deux amis, échelonnés au-dessous de moi, lugubrement éclairés par leur lanterne, forme une scène digne d'inspirer Gustave Doré, illustrant l'Enfer de dante.(...) Nous arrivons au jour. Une grande échancrure se présente. Elle se trouve sur le même versant où nous sommes entrés, mais 130m plus haut environ. Mais le temps presse et nous redescendons avec lenteur les 80 marches si péniblement taillées, nous avons mis 1h 40 pour monter et descendre ". Cette montée est celle du Trou à l'Aigle; lorsqu'on sait qu'elle ne fait qu'une cinquantaine de mètres de long, qu'on peut y monter en bottes et qu'un éclairage n'est absolument pas indispensable, le texte de Pfeiffer nous fait sourire, ... mais c'est tellement bien écrit ! |
Dès le début du 20ème siècle, la fréquentation de la grotte fut en augmentation constante, mais c'était pratiquement toujours pour emprunter la Galerie des Touristes, seul passage entre les combes de Bonaudon et de Naye. En août 1931, un accident mortel incite les secouristes à rechercher des explications. C'est ainsi que Léon Beaud remonte en escalade au dessus du Trou à l'Aigle et découvre le deuxième accès au Réseau Supérieur; il effectue ensuite la traversée jusqu'au puits qui rejoint la Galerie des Touristes. En 1934, A.Vireux entreprend de nouvelles études sur le glacier souterrain, mais malheureusement depuis l'ouverture pratiquée quarante ans auparavant par le professeur Dutoit, le courant d'air créé par ce passage artificiel avait terriblement fait fondre le glacier dont il ne restait plus grand chose. |
Pendant la guerre, le Service de Reconnaissances Souterraines de la Brigade de Montagne 10 (SRS) va établir un rapport très complet sur la grotte, notamment avec les notes de Vincent Rambert qui sera le fondateur de la future Section de Montreux de la SSS. Au mois de novembre 1948, une équipe formée des sections neuchâteloise et genevoise de la SSS reprend les explorations. Une première expédition permet de topographier la Galerie des Touristes, le Trou à l'Aigle, la Galerie des Salles et une partie du Réseau Supérieur, puis en 1949, une deuxième sortie est organisée pour topographier la Galerie des Sources. Le développement est alors d'environ 800m. |
En 1961, quelques personnes de la région de Montreux enmenées par G.Testaz (GSL) effectuent de nouvelles recherches; leur espoir est d'effectuer une jonction entre une cheminée de la grotte et le Gouffre de la Perta Décrin situé dans la combe au-dessus. Ils "redécouvrent" les salles au terminus de la Galerie des Sources (découvertes par Dutoit avant 1900, puis "oubliées"), puis ils commencent une série de désobstructions dans des galeries finissant en cul-de-sac. Le principal prolongement découvert sera la Galerie du Ruisseau et grâce à leurs travaux, le développement de la grotte passe à 1550m (1965). |
En 1976, la SSS-Naye se décide à revoir entièrement la cavité. Dès mois de mai, les galeries connues sont topographiées, puis le week-end du Jeûne Fédéral (septembre), les spéléos explorent un réseau qui deviendra le Réseau du Jeûne; au mois d'octobre, ils découvrent ensuite l'accès au Réseau des Merveilles et terminent l'année avec 105 heures de présence sous terre. En 1977, ils poursuivent l'exploration du secteur labyrinthique du Réseau des Merveilles et au mois d'août, la jonction avec la Salle des Sapins d'Argile (Galerie du Ruisseau) est établie; entretemps, le Réseau des Puits avait été découvert. En 1978, une nouvelle galerie située dans le fond de la Galerie des Salles est atteinte, explorée et enfin jonctionnée au Réseau des Puits; quelques galeries sont encore découvertes dans le Réseau des Merveilles. En 1979, un petit fascicule (La Grotte du Glacier) avec historique, description, et bien d'autres informations est publié par la plume de Daniel Masson, alors président de la SSS-Naye (2800m de développement). Les expéditions menées par la SSS-Naye vont devenir beaucoup plus sporadiques. En 1981, l'escalade d'une petite cheminée est effectuée par C.Rémy (alpiniste bien connu !) et son père, ainsi que par L.David et D.Masson. La lucarne atteinte permet alors de découvrir le Réseau Lada qui se termine par la plus grande salle de la grotte, la Salle Etienne. |
Dans le cadre de la préparation de l'inventaire des Préalpes et des Alpes vaudoises, le GSL va reprendre le flambeau, principalement pour retopographier la cavité. Cette révision va demander 35 sorties entre 1992 et 1997 et regrouper 26 personnes (il n'était pas rare que plusieurs équipes travaillent en même temps dans le réseau). Quelques prolongements seront découvert dans l'ensemble de la grotte, ainsi qu'un nouveau réseau : le Réseau du Bronx; le développement passe à 4861m pour une dénivellation de 231m (-130;+101). |