Les Rochers de Naye

Une certitude bien ancrée parmi les gens de la région était qu'une grande quantité d'or se trouvait dans les grottes des Rochers de Naye. Il n'est donc pas étonnant que le massif a été le théâtre de nombreuses prospections par des mineurs dont beaucoup venaient des villages fribourgeois du Haut-Intyamon (Neirivue, Albeuve, Montbovon). Ces recherches souterraines ont en outre laissé de nombreuses anecdotes ou légendes.

Ainsi il importait disait les anciens de suivre les conseils de ceux qui connaissait la magie et avant de se mettre à l'oeuvre il fallait déposer quelque part un sacrifice au génie de la montagne. On disait aussi que les mineurs, qui travaillaient la nuit, pouvaient voir des gnômes sous forme d'étoile filante s'échapper des rochers et s'élancer dans les airs.

Quant aux mineurs qui ont laissé leur nom on peut citer :

David Talon de Pertit qui à peine âgé de 14 ans parcourait déjà le massif et qui ensuite consacra des milliers de francs à ses recherches.

Jean-Louis Meyer qui était un fort gaillard, agriculteur à Glion, mais aussi fort chasseur et qui croyait au surnaturel; on lui attribuait d'ailleurs toutes sortes de dons, soit en magie ou en médecine. Il se rendit notamment à la Tanna l'Oura, à la Tanna des Mineurs et en dernier lieu à la Grotte des Grandes Recourbes où il y enmena un jour une voyante de Genève. Cette dernière n'arrivant pas à grimper la pente qui mène à la grotte, il la porta donc sur son dos (ceci se passait vers 1897-1898).

Jean Blanc dit "l'herboriste" et François Yersin dit "Saucé" de Chailly qui une fois leurs travaux à la vigne terminés se rendaient à Naye à la recherche de trésors cachés.

Gabriel Forney de Villeneuve qui racontait à qui voulait l'entendre que lors d'une fouille il vit venir à lui une bête énorme, un monstre ! Il eut une telle peur qu'il lacha ses outils et décampa au plus vite.

Michel Mamin dont il est dit qu'il passa une partie de sa vie à poursuivre les chamois et à chercher des métaux dans les profondeurs des cavernes de Naye. Mort en 1779 à l'âge de 64 ans il est surtout connu pour son testament où il légue sa fortune à tous les pauvres de l'univers.

Auguste Bussard de Gruyères qui fut un des derniers chercheurs d'or connu sur le massif. En 1920, il partait pour la Tanna l'Oura en compagnie d'un camarade qui restait en surface pour l'assurer. Il descendait alors seul dans le gouffre en employant une corde de 2cm de diamètre pour descendre les premiers puits (P18, P40, P10) et à la lueur d'une primitive lampe à acétylène, il continuait sa progression (R3, R4, P9, P6, P10) jusqu'à un palier situé à -129m où il se mettait alors à l'ouvrage. Rencontré par une équipe de spéléologues en 1947, il pu ainsi raconter ses aventures; comme des fragments d'outils et des restes de bois furent trouvés à cette profondeur lors d'une exploration par la SSS, ses dires furent confirmé. On ne peut qu'être admiratif, car à l'époque Auguste Bussard avait atteint sans le savoir la plus grande profondeur dans un gouffre de Suisse romande (sur la dernière topographie réalisée, le fond est à -193m).

Parmi les nombreuses cavités prospectées par les chercheurs d'or sur le karst des Rochers de Naye (Tanna l'Oura, Grotte de la Trappe, Grotte des Grandes Recourbes, ...), une bone partie d'entre elles se trouvent dans la Combe de Bonaudon (commune du Haut-Intyamon, Fribourg), sur le flanc sud appelé le Revers des Chercheurs.

Le Revers des Chercheurs (à gauche de la combe) et le chalet de Bonaudon du Milieu

Ces cavités dans le Revers des Chercheurs sont :

Grotte du Glacier  :  Cavité labyrinthique de 4860m de développement ayant plusieurs orifices et qui était connue depuis longtemps par les chercheurs d'or. Ces derniers se sont d'ailleurs aventurés fort loin à l'intérieur et en 1808 le Doyen Bridel, pasteur à Montreux, y a trouvé des outils qui leur avait appartenu; en 1892 le professeur Dutoit mentionne à nouveau que des vestiges (échelles, planches) de chercheurs d'or se trouvent dans les galeries.

Tanna des Mineurs  :  Galerie d'entrée d'une trentaine de mètres de long débouchant dans une petite salle qui se prolonge par deux galeries parallèles. Dans chacune d'elles, il faut franchir un ressaut remontant et elles aboutissent ensuite dans une vaste salle occupée par un glacier. Dans cette dernière on trouve encore des vestiges de chercheurs d'or, notamment un plancher artificiel (troncs et rondins) sous lequel se trouve un puits vertical.

Plan d'accès à la Tanna des Mineurs établi au 19ème siècle

Le Filon d'Or  :  Galerie remontante aboutisssant dans une salle sur faille sur laquelle se détache une galerie perpendiculaire qui se dédouble et finit de chaque côté en cul-de-sac. En 1977 on y a trouvé des marques de pioches sur les parois, restes d'outils et de poutres.

Galerie des Echelles  :  Conduit rectiligne menant dans une salle de 4m de diamètre avec un boyau impénétrable au sommet. Dans cette salle on y a trouvé en 1979 de vieilles échelles en bois dont certaines formant un audacieux échafaudage et des restes d'outils.

Galerie Etagée  :  Au sommet d'un puits tronqué à ciel ouvert, deux galeries superposées mènent dans une salle sans continuation.

Masson D. (1984) : Les chercheurs d'or, précurseurs de la spéléologie. - Actes du 7ème congrès suisse de spéléologie, Schwytz, 24-26 septembre 1982, Supplément no.11 à Stalactite : 27-32

Pittard J-J. (1982) : Chercheurs d'or au fond des grottes. - Hypogées, Genève, 47 : 79 p.