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Mulu Park, Sarawak-Bornéo ( février-mars 2024 )

10.03.24

Mulu Park, Sarawak-Bornéo ( février-mars 2024 )

Participants : Ana, Nicoleta, Eric et Vivien

Au dernier moment, Vivien est retardé par un petit souci de santé, mais finalement il à rejoindre les 3 autres qui profitent depuis peu du soleil et de la mer à Bornéo.

Paysage paradisiaque avant de partir pour Muluk Park

Le team à l'hôtel le soir avant le départ pour Muluk Park

Mulu Park, Bornéo - Jour 1

L'aventure a commencé dès Kota Kinabalu au moment de prendre l'avion. Nous étions confortablement assis aux rangées 3 et 4 dans un petit avion à hélices quand un technicien de l'aéroport est venu nous demander d'aller aux dernières rangées pour pouvoir équilibrer le poids de l'appareil. Avions-nous trop de bagage spéléo ? Après un survol de la jungle de 35 minutes, atterrissage à l'aéroport de Mulu qui fait plus ou moins la taille du local de Lonay, avec un "tapis bagages" qui est plus court que l'étroiture de pachamama.

Départ en avion pour Muluk Park

Survol de la jungle

L'après midi était l'occasion de nous enregistrer au parc de Mulu, qui est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, et de faire la connaissance de Nimrod, notre guide pour la semaine. Avec quelques heures devant nous, nous marchons 3 km sur une passerelle en bois qui serpente dans la jungle et qui nous amène à l'observatoire des chauves-souris. L'idée était de voir le swarming lorsqu'elles sont plus ou moins 3 millions à sortir à la tombée de la nuit. Nous étions 2 heures trop tôt, et surtout une pluie torrentielle s'est abattue sur nous pendant cette marche. Le ton est donné ! Dans notre optimisme, nous les avons attendues jusqu'à la tombée de la nuit, mais il est devenu évident qu'elles ne sortiraient pas ce jour là.

Mulu Park, Bornéo - Jour 2

Rendez vous au bureau du parc à 9h, équipés de nos baudriers et casques. Nous avons remplacé les combis polyester par des tenues de rando car que ce soit dehors ou sous terre, il fait très chaud et très humide. 3 grottes au programme du jour. La première est dans la catégorie "aventure", niveau "intermédiaire". Ce sera l'occasion pour notre guide d'évaluer notre niveau.

Après 20 minutes de marche et 200 marches à monter, nous arrivons à l'entrée de "Stone Horse", qui tire son nom d'un bloc rocheux à l'entrée qui pourrait ressembler à une tête de cheval. L'entrée était franchement impressionnante en taille, et nous faisait penser au porche de la grotte du Trésor dans le Doubs. Une fois entrés, ce qui nous surprend le plus (en dehors de la chaleur), c'est le bruit incessant des hirondelles qui nichent dans la grotte, et ce même plusieurs kms à l'intérieur de la grotte. La faune est aussi très présente avec de nombreuses araignées de 10 cm d'envergure (huntsman spiders), des centipèdes venimeux (long-legged centipede), des criquets géants (Giant cave cricket), et même un serpent d'au moins 2 m de long (Cave racer). Les araignées sont tellement grandes qu'on voit leurs yeux briller de loin à la lumière de nos frontales. C'était une grotte concrétionnée avec de beaux volumes (pas besoin de ramper ni même se baisser par ici), avec quelques mains courantes assez faciles pour vérifier qu'on est vraiment des spéléos. Joli comme mise en jambe, mais on reste un peu sur notre faim. Ce n'était qu'un préambule.

En 2ème partie, quelques heures plus tard, nous nous joignons à un groupe touristique pour aller visiter Lang cave et Deer Cave. La première est l'occasion de voir de très belles concrétions, mais c'est la seconde qui sera le clou de la journée. En effet, Deer cave a le plus grand proche au monde; celui ci fait 146 mètres de haut. Un chemin touristique permet de progresser dans une cave aux dimensions qui laissent pantois. Et pour une fois, on est plutôt content de marcher sur ce petit chemin en béton car sinon nous serions sur le guano produit par plus de 3 millions de chauve souris et la couche est épaisse ! De nombreuses "douches" de 140 m de haut donnent, en contre-jour, une vision féerique de l'endroit. La progression continue dans la grotte, la magie reste. 800 mètres plus loin, il y a un effondrement gigantesque qui donne une vision incroyable sur le "jardin d'Eden" avec une végétation luxuriante et intouchée. Aucune photo ne pourrait réellement permettre d'imaginer la splendeur de l'endroit.

Deer Cave avec son porche de 146 m de hauteur

Nous sortons juste à temps à 17h45 pour nous positionner à l'observatoire de chauves-souris. Plus tôt dans la journée, nous avions appris qu'elles ne sont pas sorties depuis une semaine et nous croisons les doigts pour qu'elles aient tellement faim qu'elles sortent ce soir ! Elles sont censées sortir de Deer cave soit par le porche principal soir par le Jardin d'Eden. Peu de temps après notre arrivée, dans notre chance, elles commencent à sortir par "petits" groupes de plusieurs centaines ou plusieurs milliers (difficile à dire). Plus le temps passe, plus ces groupes sont grands et s'étendent, jusqu'au bouquet final où là c'est un défilé ininterrompu de plus de 5 minutes de chauves-souris qui sortent et vont chasser. Nous avons appris qu'elles mangent environ 30 tonnes de moustiques par nuit! Efficace comme anti-moustique !

Impressionnant vol des chauves-souris

Mulu Park, Bornéo - Jour 3

Cette fois-ci, c'est en pirogue que nous faisons le trajet d'approche. C'est 25 minutes de navigation dans une rivière au niveau bas dans laquelle il faut slalomer entre les arbres échoués. Objectif de la journée: la grotte des vents ("cave of the Winds"). L'idée est de faire ce qui s'appelle "Clearwater connection", Clearwater étant l'un des 10 plus grands réseaux au monde avec environ 255 kilomètres de développement. Mais pour l'instant, après une courte ascension par des escaliers métalliques, nous atteignons l'entrée touristique de la grotte des vents. La progression commence par une passerelle qui nous permet d'accéder à une belle salle concrétionnée. On fait rapidement le tour et revenons en début de boucle pour cette fois ci sortir du chemin touristique (ce n'est pas sans faire penser à la sortie du chemin des grottes de Vallorbe). On a enchaîné quelques cordes à noeux et une succession de salles jusqu'à la salle "hyperspace bypass" qui fait environ 350 m x 200 m. On a eu quelques étroitures verticales, pas trop méchantes, mais pas si faciles non plus et ça râpait pas mal, le tout sans équipement vertical. Au final, c'est, d'après notre guide, 4 km de progression dans cette grotte.

Après la 3ème étroiture descendante, soit disant la dernière, notre guide se rappelle soudainement qu'il y en a une 4ème !! Même pas peur ! Mais une dizaine de mètres plus bas, nous arrivons dans un réseau gigantesque en large partie occupée par une rivière. Quel blagueur ce guide ! Nous sommes enfin dans le réseau Clearwater. Après 3 heures au pas de courses dans ces galeries gigantesque à la température tout aussi extrême, quelle perspective idyllique de voir cette rivière de carte postale digne d'un fantasme spéléo. Au moment d'écrire ce récit, nous nous esclaffons sur le fait que les plus frileux d'entre nous ont fait toute la sortie sans gants, en pantalon et chemises de rando, et malgré ça la transpiration est omniprésente. Alors imaginer descendre les 2 km de rivière dans une eau cristalline à 27° dans ce décor fantastique ne peut que réjouir.

Nous entrons sans autre dans l'eau, et nous laissons emporter par un courant confortable. Il faut quelques dizaines de mètres pour trouver la meilleure technique car le fond remonte par endroit et ce serait dommage de prendre une lame dans la rivière (la fesse de l'un d'entre nous n'avait pas bien compris la technique). Une ou deux fois, il faut sortir pour contourner un passage un peu trop peu profond ou encombré de blocs, mais sinon ce n'est que du bonheur. 2 km comme cela en à peu près 45 minutes, avant de se rapprocher de la sortie.

On y retrouve une passerelle touristique dans une salle aux proportions toutes aussi extravagantes avec des colonnes d'environ 20 m de diamètre et 80 m de haut. Nous nous émerveillons en levant la tête pour voir cette sortie du réseau à la Jurassik park (et nous ne parlons pas du parc du Jura) avec des centaines de ptérodactyles, euh.... je voulais dire d'hirondelles, devant la lumière du jour et une végétation luxuriante. Pendant le retour en pirogue, certains s'exclamaient d'avoir vécu leur plus belle expérience spéléo pendant que d'autres ne pensaient qu'à manger un nasi lemak! On a même entendu ce jour là : "c'est bon, je peux maintenant arrêter la spéléo".

Mulu Park, Bornéo - Jour 4

La 4ème journée est la plus ambitieuse du voyage. Nous allons à Sarawak Chamber. Nous espérions y aller le 3ème jour mais la météo est importante pour cette sortie et elle n'était pas favorable la veille. Nous avons demandé à faire en une journée cette sortie qui normalement ce fait en 2 jours avec une nuit au "camp 1" en pleine jungle. Le guide nous a prévenu de prendre suffisamment de nourriture, d'eau et les batteries de secours (pour la jungle) car quoi qu'il arrive on rentre ce jour là. Cette sortie va quand même nous demander 20 kilomètres de marche en pleine jungle, avec chaleur, humidité, multiples traversées de rivières parfois à guet parfois sur un tronc incertain, moustiques et même sangsues! Notre guide a estimé 3 heures aller, 2 heures sous terre, puis 3 heures retour. Vu sa vitesse de marche dès les premiers pas, le rythme va être soutenu. Nous quittons vite la passerelle touristique pour nous enfoncer sur un sentier bien tracé jusqu'à la cascade Paku. C'est ensuite que commence la vraie marche dans la jungle car le sentier devient plus difficile à lire et notre guide prend parfois des chemins de traverse qu'on ne pourrait pas deviner. Plus on se rapproche de l'objectif, plus on trouve de troncs tombés en travers du chemin, et plus la végétation nous ralentit. Après 2h45, petite pause au bord de la dernière rivière pour un rapide déjeuner. C'est l'occasion de trouver plusieurs sangsues sur nos vêtements et sacs. Jusqu'ici la météo a été stable malgré les gros nuages noirs. Nous avons donc bon espoir que notre guide nous laisse entrer dans la grotte. On a été bien prévenu dès notre arrivée que la météo est cruciale pour cette sortie, et elle a été très imprévisible depuis notre arrivée avec des pluies quotidiennes.

5 minutes de marche plus tard, nous entrons dans le canyon qui mène à la grotte. Tout est bien vert, et le nombre de blocs mousseux rend l'approche très glissante. A l'entrée de la grotte, on s'équipe des casques et mettons le reste de l'équipement en hauteur car la rivière pourrait vite fortement monter, ce qui n'est pas des plus rassurants. Les premiers pas sont tout de suite impressionnants car nous sommes dans un canyon souterrain très haut que nous estimons à plus de 60 m, avec une largeur confortable d'environ 5 à 7 mètres. Très vite le canyon devient plus étroit et l'eau beaucoup plus présente. Heureusement que le niveau est bas car nous nous retrouvons assez vite avec de l'eau jusqu'aux épaules. Cette succession de bassins étroits avec une eau d'un aspect bleu transparent et une température digne d'une plage tropicale est un vrai plaisir pour nous et la beauté de l'endroit fera dire à l'un d'entre nous: "heureusement que je n'ai pas arrêté la spéléo hier après Clearwater" (cf jour 3). La trajet alterne des passages en opposition, des vasques plus profondes à traverser avec mains courantes, et quelques jolies petites cascades à monter. Après 40 minutes, les dimensions s'ouvrent en largeur et le plafond est à plus de 100 m. Nous quittons le lit de la rivière et commençons à monter sur des blocs dans une galerie aux dimensions croissantes d'environ 30-40 m de large. Nous slalomons, montons et descendons entre ces blocs, avec du guano très présent. Nous arrivons au point final de cette expédition qui d'après notre guide est l'entrée de la fameuse salle la plus grande du monde en surface (ah ah) avec plus de 600 m de long et 450 m de large. On voit une forte pente montante sur les 200 premiers mètres; celle ci ouvre sur la partie principale de cette salle, mais nous comprenons qu'il n'est pas autorisé d'aller plus loin. C'est à partir d'un repère visible à cet endroit que la salle est mesurée. Nous aurions quand même aimé monter à cette ouverture où apparemment on ne voit que du noir à perte de vue.

Le guide était particulièrement inquiet car nous n'avions pas la possibilité de connaître la météo extérieure et qu'une montée des eaux serait dangereuse. Nous ne nous attardons pas tellement et reprenons le chemin inverse. Dès que nous atteignons la rivière souterraine, le guide se détend et commence même à faire des blagues alors qu'il était particulièrement sérieux, ou inquiet?, depuis le début de la journée. Le retour vers l'entrée sera l'occasion de faire de nombreuses photos dans ce beau canyon et cette belle rivière. On en profite tous car c'est plutôt ludique en particulier avec ces températures. Au final, nous avons passé environ 2h30 avant de voir de nouveau la lumière du jour. Nous longeons le canyon jusqu'à rejoindre la rivière principale dans laquelle se jette cette rivière souterraine, et c'est l'heure de la pause déjeuner avant d'attaquer les 10 kilomètres de retour dans la jungle.

La première heure se passe sans encombre avec un rythme toujours aussi soutenu, jusqu'aux premières gouttes de pluie. Ce petit crachin se transforme vite en averse tropicale qui n'a rien à envier aux épisodes cévenols. C'est marrant les 10 premières minutes, mais lorsque cela redouble d'intensité et que le chemin disparaît sous l'eau, cela devient moins marrant. Assez vite, on ne voit plus ni chemin, ni racines, et on marche dans l'eau et la boue qui ont transformé le chemin en ruisseau. Le rythme n'en diminue pas pour autant. Bien qu'il reste encore pus 2 heures de lumière du jour, il fait presque nuit sous la canopée. Après presque 2 heures sous cette pluie, nous retrouvons la passerelle touristique avec un certain soulagement. Il ne reste plus qu'un quart d'heure pour rejoindre l'entrée du parc, malgré les arbres tombés sur la passerelle. Trempés pour trempés, certains d'entre nous prennent une douche improvisée sous les toits du bureau du parc !

Au final, cette sortie nous aura pris un peu plus de 9 heures. Le retour à l'hôtel aura été l'occasion pour 3 d'entre nous de découvrir les traces laissées sur nos corps par les morsures et succions de sangsues ! Au moment d'écrire ces lignes, nous lisons sur le site des HUG que l'hirudothérapie est la thérapie par les sangsues médicinales. euh.... non merci !

Note : il n'y a malheureusement pas de photos pour cette sortie à Sarawak Chamber