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MINES DU CANTON DE VAUD

Mines de chaux à ciment

Mines des Grands-Crêts


Les mines, au nombre de quatre, se trouvent en dessous du refuge de Béboux, dans une carrière en contrebas, mais aussi à proximité des maisons des Grands Crêts.


Historique

Le 24 octobre 1857, la municipalité de Vallorbe reçoit une demande de concession pour l'exploitation des gisements de calcaire à chaux aux Grands-Crêts, demande effectuée par Louis Gauthey de Sainte-Croix qui après différentes recherches dans d'autres sites à fixer son choix sur ce site au pied de la Dent de Vaulion. Il propose donc de payer un franc le mètre cube de chaux à la commune et estime que cette exploitation peut amener une nouvelle ère de prospérité pour Vallorbe.

L'exploitation a-t-elle été commencée par Louis Vauthey ? Il est peu probable, mais son idée est reprise par la commune de Vallorbe qui le 23 mars 1867 établi un contact avec la firme Dalstein afin d'annoncer la constitution prochaine de fours à chaux aux Grands-Crêts. Le 13 juillet 1867, l'entreprise Dalstein demande au syndic de pouvoir commencer les travaux, car des essais ont été faits et le calcaire est bon.

Le 5 mars 1870, une concession est accordée par la municipalité de Vallorbe à Jean Dalstein, originaire de Moselle, pour exploiter deux carrières de pierres à chaux aux Grands-Crêts pendant vingt ans. M. Henri Martin, maître-maçon à Vallorbe, se porte garant des engagements financiers.

L'exploitation va alors se développer : un abreuvoir pour les chevaux est construit en 1871, un dépôt en 1873, puis des usines qui en 1878-1879 permettent de fournir chaque jour de 200 à 250 sacs de chaux de 50 kg sortant de trois fours. La production peut en outre rivaliser en qualité avec les meilleurs produits de l'étranger. Dès 1886, date de la mise en exploitation de la ligne ferrée Vallorbe-Le Pont, puis surtout en 1888 avec la pose d'un raccordement industriel pour les usines des Grands-Crêts, l'exploitation de la pierre à chaux connaît un nouvel essor et un funiculaire est construit entre les carrières et les usines. En 1892, on note aussi la vente d'un nouveau ciment à prise lente qui a notamment été utilisé au Fort de Saint-Antoine, à l'endiguement de la Veveyse, au Palais fédéral et au chemin de fer Glion-Naye. En 1898, l'exploitation de la roche qui se déroulait alors uniquement à l'extérieur va se prolonger par les premières carrières souterraines.

Les Grands-Crêts vers 1890.
Le funiculaire amène la matière première des carrières aux usines de traitement.

En 1902, la contenance des silos est de 10'000 tonnes pour une production journalière de 100 tonnes et en 1904, 1360 wagons sortent des usines qui occupent septante personnes. Parmi les réalisations qui ont bénéficié de cette production, on peut citer Pont Chauderon à Lausanne, l'entreprise du tunnel du Simplon (en 1900, la Société des Usines des Grands-Crêts était déjà responsable de toute la fourniture des chaux hydrauliques pour le revêtement du tunnel) et la double voie ferrée Daillens-Vallorbe.

Entre 1907 et 1910, les usines vont fournir jusqu'à 270'000 sacs de chaux par année, mais deux faits divers marquent cette période. Premièrement une grève des ouvriers le 1er mai 1908 pour demander que le samedi soit payé complètement, mais avec deux heures de travail en moins; ils sont alors menacés de renvois par le directeur et cinquante ouvriers sur soixante reprennent le travail. Deuxièmement un accident survenu le 11 février 1910 lorsqu'un wagonnet chargé de pierre se renverse d'une hauteur de douze mètres; un des ouvriers âgé de 18 ans sera gravement blessé à la tête par un cailloux.

Les Grands-Crêts vers 1910, au sommet de leur prosperité.

Durant cette dernière période, les Grands-Crêts sont au sommet de leur prospérité, mais la grande guerre met un frein aux activités et lorsque la paix revient en Europe, la production va sérieusement se ralentir; ainsi en 1919, il n'y a que 376 wagons de chaux qui sont expédié, soit quatre fois moins qu'en 1904 ! Quelques années plus tard (1921), lorsque Nolthenius effectue son étude géologique de la région, il précise dans ses notes qu'une bonne partie des galeries sont déjà abandonnées. Victimes de la concurrence du béton, les usines des Grands-Crêts fermeront définitivement en juillet 1933 et la production des chaux hydrauliques sera déplacée à Baulmes.

Toutefois, les installations des Grands-Crêts ne connaîtront leur épilogue que le 10 septembre 1942, date à laquelle elles seront dynamitées par l'entreprise Vonlanthen. Après cette opération (à laquelle assistent le patron de l'entreprise, six ouvriers, deux municipaux, quelques employés CFF et M. Muller, photographe, qui filme la première partie de l'événement), la place est nettoyée et aplanie, puis les matériaux sont envoyés à la Vallée de Joux pour y être vendus.

Vers 1945-1950 (?), des personnes ont probablement essayé de pratiquer la culture des champignons dans la mine no.2, sans grand succès semble-t-il, car cette exploitation n'a pas laissé d'autre traces que les grillages de protection.

De février à mars 1994, elles seront topographiées par le GSL.


Géologie

Marno-calcaires de l'Argovien.
Coupe géologique d'après Daniel Aubert (AGS feuille 42)

En 1921, Nolthenius (voir bibliographie) donne la description suivante de la carrière :

Le noyau de l'anticlinal, en Argovien, est mis à découvert dans la carrière du Plan-du-Chalet … Examinons un peu en détail les plongements dans cette carrière. Dans la paroi orientale nous pouvons, ainsi que le montre la figure 1, admirer un genou brusque;

Figure 1 : Replis de l'Argovien dans la carrière du Plan-du-Chalet (regard vers le NE)


dans la paroi opposée cette courbure est traversée par une cassure longitudinale dont le rejet semble être presque nul (Figure 2). Plus haut, dans cette dernière figure, on peut remarquer encore un deuxième repli. Le genou n'est pas, comme on serait tenté de le croire, la courbure principale de l'anticlinal dans l'Argovien, parce que dans la figure 2, nous voyons à droite, en deux endroits, des couches horizontales, c'est à dire que la courbe observée n'est qu'un repli secondaire. Nous pouvons encore affirmer ceci grâce aux faits suivants, constatés dans les deux galeries abandonnées, dont l'une se trouve à 20, l'autre à 35m en dessous du niveau de la carrière. On y retrouve à peu près le même genou, et du côté de la vallée les couches plongent dans ces galeries de 10 à 30° vers le N, indiquant le caractère secondaire de cette courbure.

Figure 2 : Deux replis de l'Argovien dans la carrière du Plan-du-Chalet (regard vers le SW)

Une dernière observation reste à faire à propos d'une faille longitudinale qui se constate dans l'ancienne galerie, dont l'ouverture se voit encore tout en haut de la figure 5. Le plan de faille est dirigé W-E avec une pente de 20° vers le N, le rejet paraît être à peu près d'un mètre; sur une épaisseur de 0,40 à 1m il y a des couches froissées.

Dans la galerie principale, on peut pénétrer dans l'Argovien sur une profondeur de 150m; les couches plongent, à part un repli local, toujours faiblement vers le S. Le fond de l'exploitation a ainsi atteint un point qui se trouve sur la carte sous le 'e' du mot Beboux. On voit en outre à la surface, tout près de ce même 'e', à côté du chemin, un peu d'Argovien. Cet affleurement est précieux, parce que la pente du Beboux est couverte d'éboulis, ce qui nous empêche de préciser les relations si intéressantes qui doivent exister entre l'anticlinal de la Dent de Vaulion et le Golet.


Biospéologie

Lors de la topographie en mars 1994, une chauve-souris (espèce indéterminée) a été observée au terminus de la galerie G5.

Lors d’une nuit de prospection en automne 2002, Philippe Christe, Patrick Patthey et Arnaud Maeder ont capturé un petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros). C’était le premier individu capturé vivant après 22 ans d’absence car le dernier avait été capturé en 1970 dans les Mines de Baulmes.



Bibliographie

Anon. (1902) : Dictionnaire géographique de la Suisse. - Editions Attinger, Neuchâtel, 6 vol.
Anon. (1927) : Géographie illustrée du Canton de Vaud. - Editions Attinger, Neuchâtel : 312
Anon. (1995) : Il y a 125 ans : Les Grands-Crêts. - Journal de Vallorbe, 18 mai 1995
Arnal S. (2003) : La chauves-souris, cette Vaudoise mal-aimée. – Allez savoir !, 26 juin 2003 : 41 + 43
Aubert D. et Dreyfuss M. (1963) : Atlas géologique de la Suisse au 1:25'000, feuille 1202-Orbe, avec notice explicative (mines des Grands-Crêts voir page 13)
Commune de Vallorbe (1989) : Vallorbe. - Imprimeries réunies, Lausanne : 130 p.
Dutruit J. (1994) : Les mines de Béboux (Vallorbe). - Le Trou, 57, 1993/2 : 16-31
Nolthenius A.B. Tutein (1921) : Etude géologique des environs de Vallorbe. - Matériel pour une carte géologique de la Suisse, Nouvelle série, 48ème livraison : 120 p.